A propos de Wil

Expéditeur : Uriel
Date d'envoi : 16/08/1461 - 09:51:04
Titre : Re: de Seignelay
Votre Grâce,
Chère Della,

Le bon jorn,

Je vais assez bien, merci ; et j'espère que vous aussi.
Le temps a hélas rattrapé ces quelques années sur moi, et si mon corps reste jeune, un mal ramené d'Alexandrie dégrade peu à peu mon corps.
La progression de la maladie est lente, et je n'ai pas encore été obligé de quitter la ville pour rejoindre une maladrerie située à l'extérieur.
Ainsi vont les choses. Mais je garde espoir, si c'est là mon épreuve, je l'accepte.

Je comprends votre confusion, qui est bien légitime au su de ce que vous m'écrivez.
Sans vouloir nuire à Wilfred, je vais donc vous livrer en toute honnêteté et parce que vous êtes une amie de longue date.

Wilfred est un homme dévoué, et loyal tant qu'il croit à la cause qu'il dessert. Travailleur, il ne ménagera pas son temps pour servir et progresser.
Chaque médaille ayant hélas son revers, celle-ci n'échappe pas à la règle.
Wilfred est vite gagné par l'insatisfaction et veut toujours plus que ce qu'il ne possède, un peu comme lorsque l'on donne un jouet à un enfant et qu'il le range au bout de deux semaines et en souhaite un nouveau.
Je ne parle pas ici de biens forcéments physiques, je parle surtout de position sociale.
Mon frère de sang a surtout besoin d'un grand besoin de reconnaissance.

Il fut mon vassal, le saviez-vous ?
Lorsque sa première épouse disparût,
et très rapidement, il fit la conquête d'une autre jeune fille, qu'il pressa afin de l'épouser.
Quelques mois plus tard et sans réelle raison, il souhaita s'en séparer et se comporta de manière odieuse envers elle.
Ainsi, il demanda la séparation et l'obtint, forcément. C'est à cette époque, que tellement outré par son cmportement, je lui retirai la Seigneurie que je lui avais confié.

Il était à l'époque Capitaine Episcopal de Besançon ... mais n'hésita pas à déménager à Sens pour devenir Vidame, car ce diocèse en était dépourvu.
Il grimpa les échelons de la Garde Episcopale et devint préfet ad intérim, un poste qui ne peut être laissé au hasard. Et il pressa alors SE Rehael de le nommer préfet. Mais devant le temps d'attente, il démissionna et s'envola vers "d'autres cieux".

Je pense que cela peut vous donner une idée.

Wilfred est certes bon et généreux, il sera correct avec ces gens. Donnez-lui un fief, il en sera satisfait ... pour un temps.
Pendant ce temps, il vous servira bien, c'est une certitude absolue. Mais attendez-vous à ce qu'un jour vous deviez lui enlever, et ce moment n'est jamais agréable.

Vous savez tout. J'imagine que ces confidences ne vous aideront pas réellement à prendre la juste décision, car mises dans la balance, les plateaux s'en équilibrent. Il faut voir maintenant de quel côté va pencher votre souhait.


Et vous chère amie, comment allez-vous ?
Lors de notre dernière rencontre, vous portiez la vie. J'ose espérer que tout s'est bien passé. Croyez bien que c'est toujours avec appréhension que je demande des nouvelles des nouveaux-nés car leur santé est bien fragile et je connais la douleur de perdre un enfant.


Que Dieu vous garde, Della,
Je vous embrasse, le plus aristotéliciennement du monde,

Uriel

Votre Eminence,
Très cher Uriel.


Le bonjour.


Soyez remercié pour votre réponse si sincère qui, sachez-le, va m'aider grandement dans la décision que j'ai à prendre face à Wilfred.

Je sais son désir de devenir seigneur. Il ne s'en est jamais caché même. Je ne prends pas cela pour un défaut puisque j'ai moi-même longtemps oeuvré pour que le nom de mes ancêtres soient à nouveau considérés comme faisant partie de la noblesse.

Wil est un homme dévoué, comme vous le dites vous-même. Loyal aussi, instable, j'en suis persuadée également. Impatient et trépignant si les choses ne bougent pas, je le sais.
Lui donner plus que ce que j'envisage, je ne le pourrai pas. Alors, il faudra qu'il se contente de cela et ce sera son épreuve. Certes, il n'est jamais amusant de reprendre un fief mais je l'ai déjà fait et cela ne m'ennuie pas plus qu'autre chose.
J'ai connu un homme, autrefois, au coeur grand comme ça, accueillant et charitable, pardonnant à une jeune fille un peu trop sauvage une attitude plus que déplacée. Je pense souvent à lui lorsque je dois poser un jugement. Si cet homme n'avait pas été aussi généreux, aussi enclin au pardon et à la charité, est-ce que cette jeune fille aurait autant la foi en Dieu qu'elle ne l'a aujourd'hui ? Si cet homme, au lieu de lui tendre la main l'avait vertement souffletée comme elle le méritait sûrement, aurait-elle autant à coeur de rendre ce qu'elle a reçu, l'Amitié ?
Vous fûtes, Uriel, pour moi, une lumière qui ne cesse de briller malgré les années et l'éloignement. Vous avez été cet homme ouvrant son coeur sans juger et sans punir. A votre image, il m'arrive parfois, trop peu souvent, d'avoir moi aussi la volonté de faire le bien autour de moi.
Parce que Wilfred est votre frère, parce que je suis persuadée que l'accueil que je lui fais ne restera pas sans écho, je ne le renverrai pas ni ne reviendrai sur ma prime décision de le faire seigneur.
Surtout ne pensez pas que votre lettre n'a servi à rien ! Non, au contraire. Votre lettre, même si en la lisant, j'ai senti cette peine que votre frère vous a faites, votre lettre est remplie de charité encore et la générosité, vos mots décrivent un homme changeant mais ils adoucissent le portrait parce que vous aimez ce frère qui vous a déçu et cela se sent.

J'ai discuté avec Wilfred, récemment, ouvertement. Je lui ai demandé de ma parler de cette embrouille entre vous. Il est comme vous. Il souffre de la situation. Il m'a confié qu'il désirait ne plus être "un vilain petit canard" mais redevenir un frère dont vous pourriez être fier.

J'ai l'espoir que cela arrive, vraiment. Et si le fait de redevenir noble peut aider Wilfred à reprendre un chemin vertueux, à le continuer plutôt puisque voici maintenant un long moment qu'il est de mes Compagnons, alors, tant mieux.

Je prierai pour que cela soit et pour qu'un jour, vous puissiez tous les deux vous saluer comme des frères.

Mon ami, je vous remercie encore pour tout ce que vous m'avez apporté, autrefois comme aujourd'hui.

Savoir que vous souffrez me navre profondément.
En avez-vous parlé à Ambroise ? Il connait beaucoup de remèdes, à présent, il pourrait certainement vous soulager. Ecrivez-lui en lui disant vos maux, il vous répondra.
Tiens, lui aussi, il sera mon vassal. Est-ce le hasard qui veut ça, que les gens autour de moi aient un lien avec vous ? Hasard ou volonté du Très Haut ? Je prierai pour vous.

Mes enfants se portent à merveille, merci. Moi de même.
Je viens de rentrer de la mobilisation dans le Sud et je prends un peu de repos avant une nouvelle aventure ! Je suis revenue à la Cour de France, à l'Office de la Bouche où j'ai déjà oeuvré autrefois. Le temps passe.
Mon époux n'est pas en bonne santé non plus. Il passe de l'acédie à des crises douloureuses, sa jambe le fait souffrir depuis plusieurs années déjà et je n'ose lui dire mais je pense qu'il eut été préférable qu'à l'époque on la lui coupe car jamais la plaie ne se referme vraiment. Le pauvre souffre le martyr, ce qui l'oblige à rester souvent inactif, lui qui autrefois était plein de vie, cela est triste. C'est ainsi.

J'ai abusé de votre temps, mon ami, pardon.

Ne restons plus si longtemps sans nous écrire, voulez-vous ?
J'ai grand plaisir tant à coucher les mots que je vous destine qu'à lire les vôtres.

Que le Très Haut vous garde.

Amitiés.
Della