Et c'est reparti pour un Sacre !

J'étais embarrassée. J'avais, le matin même, fait porter au Duc un paquet, un précieux paquet... Sans doute ne l'avait-il pas encore reçu, le paquet sous bonne garde devait être sur la route entre Seignelay et Orléans. J'avais, en revanche, tout juste porté la dernière touche à la cape de velours et létice du Duc. Peut-être aurait-il un peu chaud, le 18 avril, à Reims ? Mais c'était la Champagne, non le Languedoc, et en avril, il ne fallait pas se découvrir d'un fil. Et l'on pouvait prêter le flanc à tous les sacrifices, pour en mettre plein la vue à autrui.

Lorsque ma maîtresse entra, la tenue était sur un mannequin derrière la porte - elle ne l'avait sans doute pas encore vue. Avec un sourire, pourtant, je dis un simple mot - « Bom dia minha dona », et avec un sourire confiant, indiquai le mannequin du menton.

La Dona suivit la direction du menton pour découvrir, juste derrière elle, le vêtement destiné à Kéri Chéri.

Oh ! Clarinha, c'est exactement ce qu'il aime...Dit-elle en avançant vers le mannequin pour plonger ses doigts dans la fourrure toute douce. De la fourrure...il va adorer !

Lâchant le vêtement, Della revint vers la jeune fille et sans prévenir, elle la serra bien fort contre elle avant de lui coller un gros bisou sur chaque joue.

Clarinha, je vous adore ! Vous êtes définitivement une fée qui agite sa baguette magique et fait apparaître exactement ce que je désire !

Il va être beau...Continua-t-elle est regardant encore le chef d'oeuvre.

Puis...parce qu'elle n'irait pas en haillons, elle non plus...

Et pour moi ? Vous avez une idée, quelque chose déjà en chantier ?

« De la fourrure... Il adore, mais il va en payer le prix fort ! », songeai-je, avec un sourire. J'avais demandé à quelques reprises à l'Intendant des rallonges budgétaires pour les deux tenues que le couple porterait au sacre. J'étais heureuse de la joie de Della, cela lui permettrait de mieux comprendre la facture, lorsqu'elle la verrait - je la tenais pour une femme méthodique et soucieuse de la bonne marche de ses affaires, qui ne manquerait pas de jeter un oeil aux comptes de ses terres.

-« Ça faut oum poco plouch qu'agiter ouma baguetta, para coudre... Ça faut agiter ouma aiguille. » Outre l'accent, elle avait fait des progrès de français, et ça s'entendait. Mais pouvait-on se plaindre de l'accent ? Ceux à qui elle parlait, au domaine, selon qu'elle avait besoin de voyager pour aller choisir telle étoffe ou qu'elle avait une petite faim et se glissait en cuisine, avaient un accent morvandiau à se pâmer... L'accent portugais, ça chuinte plus joli.

-« Para a minha dona, je ne tiens de roube ici. Eu l'ai... perdoue ? » À mon sourire, pouvait-on savoir si c'était du lard ou du cochon ?