Le printemps

Sujet: Le printemps Jeu 15 Mar 2012 - 9:02

Alors que je choisissais boutons de portes et brodais tentures pour la nouvelle décoration du château, il me vint l'envie de coudre une tenue de printemps pour ma maîtresse. Je voulais quelque chose de simple, une robe, une jupe, des manches et un col au crochet, seulement rehaussé d'un galon perlé en haut du buste. Oui, c'était une robe fort simple, finalement, que j'envisageais. De la couleur des vertes et jeunes pousses du printemps. Tendre, aimante, aimable. Point celle pour parader à un sacre et s'y faire bien voir, mais parfaite pour un déjeuner champêtre ou une réception intime. Une fois les tissus choisis, je n'eus pas trop de mal à la coudre. Combien en avais-je cousues auparavant, et à quel rythme !

Je la posai, satisfaite, sur un mannequin. Bien entendu, elle serait bien mieux mise en valeur sur ma maîtresse, avec une somptueuse coiffure qui serait le plus beau des bijoux à lui assortir.
Je n'osais déranger ma maîtresse, je ne savais pas encore vraiment quels étaient mes droits, et même, si elle était au château en cet instant précis. Mais elle passait régulièrement me voir, et trouverait, immanquablement, la jolie tenue.

Le printemps Dellaroses

Sujet: Re: Le printemps Sam 17 Mar 2012 - 14:55

Della était incorrigible...Elle aimait à venir tournicoter du côté du boudoir, là où se créaient mille et un prodiges, des doigts de Clarinha.

La porte était entrouverte...N'était-ce pas une invitation déguisée ?

La Vicomtesse se glissa sans bruit, apercevant une nouvelle création, splendide encore une fois.
La couleur était toute printanière, exactement ce que l'on avait de porter après un hiver long et froid !

Tendant la main, elle caressa le tissu, délicatement, pour ne rien froisser.
C'est magnifique.

Sujet: Re: Le printemps Dim 18 Mar 2012 - 2:46

Je souris à ma maîtresse et me levai pour dire :

-« Chtou heureuse qu'a minha dona aime. Ella pourra essayer si ella quere.
Eu tambem fis oum pourpoint para o senhor Kéridil, mach não terminai a cape. »

Et ce disant, je pris sur mon plan de travail ledit pourpoint, et le pantalon. J'espérais de tout coeur que cela conviendrait aux mesures du Baron - oups, du Duc - et qu'il n'avait pas pris trop d'embonpoint depuis la dernière fois que je les avais prises. Quant à la couleur... Là encore, ce n'étaient pas celles que je lui connaissais le mieux. Mais c'était celle qui s'accordait le mieux avec la pièce de fourrure que j'avais cousue comme gilet.

Le printemps Keridiltete

(+cape d'hermine et broche à venir)

Sujet: Re: Le printemps Dim 18 Mar 2012 - 18:44

Bien sûr que je veux l'essayer ! Della sourit, d'un sourire amusé. Puis, prenant le temps de contempler le vêtement de son époux, elle hocha doucement la tête.

Oh ! Comme cela lui ira bien ! La fourrure, il adore ça...

Clarinha, je ne sais pas comment vous faites mais...vous êtes un ange sur terre !

Et laissant les vêtements, Della vint poser un baiser sur la joue de la couturière.
Merci !

Reculant alors un peu...avisant la jeune fille, des pieds à la tête...Etes-vous satisfaite, Clarinha ? Je veux dire...Laissant sa main désigner le boudoir...de tout ceci ? Avez-vous ce qu'il vous faut ? Etes-vous...heureuse ?

Sujet: Re: Le printemps Dim 25 Mar 2012 - 23:09

La joie de ma maîtresse était la meilleure des récompenses. Je la tenais pour une très grande dame, et pas seulement parce qu'elle avait joui des largesses et de l'amitié de la précédente Reine, petite-fille de ma maîtresse, égérie des Doigts d'Or, que l'on m'avait appris à aduler.
Non, je l'admirais parce qu'elle se souciait de mon bien-être, et non uniquement de mon talent et de mon travail. Je l'admirais parce qu'en dépit de ses obligations et charges, quand elle venait me voir, elle me donnait l'impression que j'étais quelqu'un de bien, que mon passé était révolu.

Ce n'était, toutefois, pas sans provoquer quelques remous dans mon coeur. L'appel de la liberté, toujours plus.

-« Eu... Não sei. Eu amo trabailler aqui, eu amo chta chambre... Mach eu não voit amich ou... des hommes. Sou heureuse, mach eu sent o manque. Et não sei si eu tenho o droit d'inviter aqui. »

Mon regard sombre, jusque là baissé, chercha celui de Della. Elle était femme, et femme du monde : elle devait comprendre...

La jeune femme hocha plusieurs la tête, en écoutant Clarinha...Certes, le château était beau, confortable, entretenu mais...il était aussi relativement calme, ne recevait du monde que lors des cérémonies ou lors de festivités, bien trop rares. Et la solitude de la jeune fille devait lui peser. Très certainement.

Della s'assit sur un banc, croisant les mains sur ses genoux, invitant Clarinha à prendre place à ses côtés.

J'entends bien, Clarinha. Vous avez envie de voir du monde, de discuter, de vous amuser aussi très certainement...Je comprends.

Je ne vois aucun inconvénient à ce que vous invitiez des amis pour qu'ils vous rendent visite. Vous n'êtes pas prisonnière ici. Vous êtes une artiste exceptionnelle que j'espère bien garder à mes côtés mais...je n'ai aucun droit sur vous pour ce qui concerne votre vie privée.
Della avait parlé d'une voix calme, au ton amical.

Pour la suite, elle prit un air un peu plus sévère. Toutefois...Elle chercha les mots, pour ne pas heurter mais pour dire ce qu'elle avait à dire...J'exige de toutes les personnes qui vivent ici, une tenue droite et correcte, et ceci, même hors du château. Je n'aimerais pas qu'un jour, on m'apprenne qu'une des personnes de la maison de Seignelay a fait des bêtises.
Elle ne s'arrêta pas, posa sa main sur celle de Clarinha, une main confiante.
Je suis certaine que cela n'arrivera jamais.

Allez et venez, à votre guise...

Si je n'avais autant de déférence pour ma maîtresse, j'aurais ri - et j'aurais ri jaune, également. Mon passé me suivait, c'était brûlant et cinglant ; mais c'était en son rôle de le rappeler, pour que je ne pusse prétendre n'avoir pas été mise au courant.
Je forçai un sourire, tâchai de voir le bon côté des choses, et commençai en premier lieu par dire :

-« Eu não veux partir, minha dona. Eu aime coudre para-vocês. »

Il y avait bien le respect et l'amour que forçait sa bonté, mais aussi le confort du château, la possibilité pour moi de travailler des matières de choix, de les savoir exposées à la vue des plus hautes têtes couronnées du Royaume ; enfin, les événements de choix auxquels ma maîtresse me conviait. Aller à Reims, quelques semaines plus tard, serait ainsi une démonstration de sa confiance à mon égard. Au fond de moi grondait le dragon de l'ambition, et la mienne n'était pas un pouvoir, mais une renommée. Coudre moins, mais coudre mieux.
Et un jour, jouir de cette renommée, sur le tard, épouser peut-être un bon bourgeois qui ensemencerait mon ventre - et pour une fois, je n'aurais pas à boire des tisanes d'hysope et d'aristoloche pour faire passer les mauvaises pousses.

-« Si eu vais des jours em Paris, para acheter o tissou, eu peux dormir na Torre de Jean-Sem-Pour. Aquì são outrach coutourièrech et a dona Youlanda Isabel de Jousselinière. Ça est oum lieu respeitável. »

Je n'irai pas dans des bordels, minha dona. Je serai sage, et si j'agis mal, je me cacherai, on ne me reconnaîtra pas. Promis.

-« Si eu invite persões, eu dirai avant. »

Au nom de la petite Yolanda, le visage de Della s'éclaira d'un sourire.

Je connais bien Yolanda...C'est une charmante enfant, presqu'une jeune fille, maintenant.
Un souvenir traversa la mémoire : Kéridil et moi lui avions offert un flamand rose pour son baptême, elle adorait le rose à cette époque ! L'époque d'avant le deuil...un petit soupir avant de continuer : Vous pouvez aller lui rendre visite et loger là-bas, bien entendu. Vous remettrez mon bonjour aux couturiers là-bas...ils ont déjà cousu pour moi.

Je souris aux propos de ma maîtresse. Charmante enfant, presque jeune fille, qui nécessitait pour l'habiller plus de tissu que bon nombre de femmes, et des patrons, Dieu ! Comme rarement j'en faisais pour d'autres qu'elle, tant ses goûts étaient d'une avant-garde frisant l'hérésie.

-« Sim, eu cousis un roube rouse para ela. Eu dirai o bonjour ! Mach ela não porte maich o rouse... »

Et qu'était devenu le flamant rose ? Je n'en savais rien : pire, ce mot, en français, ne me parlait pas, et j'éludais le sujet plutôt que révéler mon ignorance.
J'écartai le sujet de Yolanda d'un petit geste de la main, et repris, puisque je ne voulais pas perdre cette occasion de parler avec ma maîtresse de mes droits, de mes devoirs et de mon avenir.

-« Si eu veux um homme, minha dona... Qu'ech-qu'eu peux faire avec-lhe ? Eu peux promener, eu peux écrire, eu peux... dourmir ? Com boucoup de respeito... »

J'étais née Portugaise, j'avais la plus grande conscience qui soit de la religion, et j'avais beaucoup de superstitions. Mais j'avais été prostituée et je n'imaginais ni que l'on voudrait m'épouser, non plus que je passerais ma vie dans la chasteté - car il est des délices, quand on les a goûtées, on en redemande. Mais cela était-il compatible avec le service de ma maîtresse ?

» Il faut penser au printemps